Loi immigration en France: après le rejet du projet de loi, le gouvernement négocie pied à pied avec la droite avant la réunion de la Commission mixte paritaire

La mission est-elle perdue d’avance pour les 14 parlementaires qui se réuniront à huis clos lundi soir ? « À l’heure où je vous parle, on va dans le mur », confiait hier soir dans les couloirs de l’Assemblée un député macroniste, rapporte Pierrick Bonno, du service politique de RFI. Le camp présidentiel semble pourtant plus que jamais ouvert à la négociation. « La majorité relative nous impose l’humilité », lâche un ministre visiblement conscient des efforts à faire pour parvenir à un accord. Mais les discussions ont peu avancé mercredi.

Alors qu’Élisabeth Borne cherche un équilibre politique pour ne pas fracturer sa majorité, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a clairement tendu la main à la droite en appelant à « reprendre » la version du projet de loi, plus conservatrice, votée au Sénat, dans un entretien au quotidien Le Figaro.

Un équilibre difficile à trouver tant les LR sont numériquement en position de force dans cette commission mixte paritaire. Et ils n’ont pas l’air prêts à lâcher du terrain. « Nous, c’est le texte sorti du Sénat ou rien du tout », lâche le patron des députés de droite Olivier Marleix.

Les soutiens présidentiels partent « incontestablement » avec un handicap face à LR, a admis ce jeudi matin le président de la commission des Lois à l’Assemblée, Sacha Houlié, invité de la chaîne publique France 2. « Si nous parvenons à un accord, oui », le texte sera plus à droite, a reconnu le porte-voix de l’aile gauche de la Macronie, qui sera le président de la commission mixte paritaire (CMP).

Les 14 élus de la Commission mixte paritaire

Assemblée nationale 

– Sacha Houlié (Renaissance): le président de la commission des Lois sera aussi à la tête de la CMP. Ancien socialiste, devenu l’une des figures de l’aile gauche du camp présidentiel, il a oeuvré pour remanier le texte du Sénat, jugé trop droitier. Tout en veillant à ne pas aller trop loin.

– Florent Boudié (Renaissance): le député de Gironde, lui aussi ancien socialiste, est le rapporteur général du texte. Spécialiste des sujets régaliens, il a la mission délicate de préserver l’unité de la majorité autour du texte. En commission, il était à la manoeuvre pour réécrire la version sénatoriale de la mesure sur la régularisation des travailleurs sans papiers.

– Marie Guévenoux (Renaissance): cette ancienne membre de l’équipe de François Fillon à la présidentielle fait partie de l’aile droite macroniste. Députée de l’Essonne depuis 2017, elle est actuellement « questeure » de l’Assemblée, chargée de gérer les finances de la chambre basse.

– Elodie Jacquier-Laforge (MoDem): la centriste est co-rapporteure du projet de loi sur le volet visant à « assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue ». Cette députée de l’Isère, vice-présidente de l’Assemblée, défend une vision « équilibrée » du texte.

– Annie Genevard (LR): la députée du Doubs est une figure du parti LR, dont elle est la secrétaire générale. Elle avait présidé le parti par intérim avant l’élection d’Eric Ciotti. Elle réclame un retour à la version bien plus répressive du texte adoptée au Sénat.

– Yoann Gillet (RN): député du Gard depuis 2022, il combat le texte, « une amplification de la submersion migratoire » et veut « un référendum sur l’immigration ». Agé de 37 ans, il fut adhérent de l’UMP avant de rejoindre le Front national (devenu RN) en 2009.

– Andrée Taurinya (LFI): elle juge cette loi « inhumaine et raciste ». Agée de 60 ans, la députée de la Loire est enseignante de profession et chez LFI depuis sa création en 2016. C’est une ancienne des jeunesses communistes et du syndicat étudiant Unef.

Sénat 

– Bruno Retailleau (LR): le patron des sénateurs LR a tenu à siéger dans cette CMP cruciale pour l’avenir du texte. Ancien disciple de Philippe de Villiers, le sénateur de Vendée, battu par Eric Ciotti pour la présidence du parti en 2022, est aux commandes du premier groupe de la chambre haute depuis 2014.

– François-Noël Buffet (LR): le président de la commission des Lois est l’homme fort de la droite sénatoriale sur les questions d’immigration. Le rapport qu’il a signé en mai 2022 sur le sujet a en grande partie nourri le projet de loi, Gérald Darmanin y faisant maintes fois référence.

– Muriel Jourda (LR): co-rapporteure de son groupe sur le projet de loi, la sénatrice du Morbihan fut en première ligne lors de la retentissante commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla.

– Philippe Bonnecarrère (UC): maire d’Albi pendant près de 20 ans, le sénateur du Tarn est co-rapporteur pour l’Union centriste, allié des Républicains. Il a porté les exigences centristes dans le texte, notamment sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.

– Marie-Pierre de La Gontrie (PS): la sénatrice socialiste de Paris, ancienne adjointe de Bertrand Delanoë à la mairie, a tenté tant bien que mal de résister à la majorité sénatoriale lors des débats à la Haute assemblée, où la gauche est minoritaire.

– Corinne Narassiguin (PS): tout juste élue sénatrice de Seine-Saint-Denis, la Réunionnaise a rapidement pris ses marques au Palais du Luxembourg, le groupe socialiste lui confiant la défense d’une grande partie de ses amendements sur le projet de loi.

– Olivier Bitz (RDPI): ancien sous-préfet, ex-adjoint au maire de Strasbourg, ex-membre du PS, c’est en tant que sénateur… macroniste de l’Orne que l’élu siégera, le seul allié du gouvernement parmi les sept sénateurs. L’Alsacien a été élu en septembre sous la bannière de la majorité présidentielle.

La version sénatoriale, c’est un texte profondément durci par la droite, majoritaire dans la Chambre haute, qui supprime notamment l’aide médicale d’État (AME) et l’automaticité du droit du sol. « Impossible pour nous de voter ça », tranche un député proche de Gérald Darmanin.

Cinq jours suffiront-ils à faire bouger suffisamment les lignes rouges des uns et des autres ? Si ce n’est pas le cas, le président de la République a déjà prévenu : le texte partira à la poubelle.

(RFI et avec agences)

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